dimanche 17 mai 2009

La Grande Motte: le moderne joyeux


Née dans les années 1960 des rêves un peu fous de l'État gaullien qui a commandé en Camargue l'assèchement et le surhaussement de zones marécageuses en bord de mer, la ville balnéaire de La Grande Motte a été pensée et dessinée jusque dans les détails les plus infimes par l'architecte Jean Balladur, qui en fut d'abord l'urbaniste, mais aussi le promoteur. Ayant aujourd'hui presque complètement bâti le territoire dont elle avait hérité, cette ville située dans la grande agglomération de Montpellier a une population «normale» de 8000 habitants; mais en été, 100 000 personnes y vivent. Curieusement, cette architecture très «sixties» avec ses pyramides d'inspiration mexicaine, l'omniprésence du béton et ses plages de sable fabriquées et mécaniquement entretenues est un pari réussi. En son centre, la ville est parsemée de pyramides de 12 à 15 étages, suffisamment éloignées les unes des autres et à l'orientation variable pour qu'on ne sente jamais un écrasement qu'aurait pu susciter la forte densité et les matériaux dominants. Comme à Port-Grimaud, le port est plein de voiliers, mais ici, on n'a pas le sentiment de vivre dans un univers de carton-pâte. Pas de style néo-provençal, que du moderne soigneux, joyeux, lumineux; cette création des années 1960 est devenue une véritable ville. Mais Port-Grimaud a déjà obtenu son label Patrimoine du XXe siècle, tandis que les élus de La Grande Motte viennent à peine de prendre conscience qu'il y a un travail à faire pour protéger une utopie réalisée au caractère unique.

Marc Doré