samedi 16 mai 2009

Dormir au Corbusier


Il y a des phrases banales qui cachent une réalité colossale. Prenez par exemple la phrase suivante: Dormir à la Cité radieuse. C'est un geste ordinaire, trivial. Et puis, on se laisse pénétrer par le sens des mots, et on est presque écrasé par leur épaisseur historique, et par la monumentalité qu'ils dévoilent. Oui, le nom de Le Corbusier agit; le plus grand architecte du XXe siècle, sans doute, a conçu cet étrange vaisseau de béton qui semble foncer vers l'horizon sur un océan de rocher. On imaginerait que tant de béton ne donnera en bout de ligne que de la lourdeur; il faut alors avoir passé du temps sur le toit de ce navire, presque couché au sol par le vent impétueux qui souffle de la mer, pour se croire sur la poupe d'un Titanic. C'est une expérience presque initiatique.

 

La Cité radieuse domine la plaine marseillaise depuis un demi-siècle. D'autres barres d'habitation se dressent autour d'elle, et des tours aussi, sagement alignées au pied des montagnes. Pas certain que cette accumulation, en un lieu restreint, de centaines de vies humaines soit «la» solution au problème du logement. Mais, nous a raconté notre guide à Marseille, l'architecte Thierry Durousseau, qui y a vécu son enfance, c'est une expérience de vie qui n'a rien de traumatisant et qui peut même être agréable. Après tout, cette barre est un véritable village, avec sa rue commerciale, un hôtel, une école maternelle.

Marc Doré