mardi 12 mai 2009

Noailles: une villa en cache une autre


Je m'avançais vers la Villa de Noailles avec appréhension. Pour moi, c'était ici qu'aurait lieu l'apothéose d'un voyage qui avait été jusque là une succession de moments forts, où il avait été possible de voir et de toucher ce qui n'était jusqu'alors que photos dans des livres et descriptions.

Mais Noailles a une histoire pas très linéaire qui est évidente quand on arrive à ses portes. La petite villa aux formes pures et simples que l'architecte Rob Mallet-Stevens a concoctée dans les années 1920 est en réalité un château tarabiscoté étalé sur une colline abrupte et constitué d'ajouts et de compléments asynchroniques que le vicomte Charles de Noailles, qui se piquait d'esthétisme moderne, a imaginés, plus ou moins avec le concours de l'architecte. Les réceptions se sont faites plus nombreuses, la famille s'est agrandie et a vieilli: bref, les besoins ont changé, et la villa a suivi.

Ce n'est peut-être pas une excuse, mais Mallet-Stevens construisait à la même époque à Paris les six villas de la rue qui porte son nom, dans le 16e arrondissement. Supervisée de loin, la villa de Noailles semble avoir loupé les liens constructifs entre sa conception et sa réalisation; elle a vraiment l'air d'avoir été construite comme un décor de cinéma, la profession qu'exerça semble-t-il avec talent Mallet-Stevens avant de s'attaquer aux «vrais» bâtiments.

Témoin d'une époque, la villa a obtenu un statut juridique protégeant l'extérieur en 1975, complété par la protection de l'intérieur en 1987. On en est rendu à la cinquième campagne de restauration, portion par portion. On s'attaquera bientôt à la restauration de la coloration de l'extérieur du bâtiment central, opération qui devrait faire disparaître la couleur saumonée actuelle pour un gris chaleureux qu'on imagne animé par le lumineux soleil provençal. Le choix de la teinte retenue a fait l'objet de longues recherches dans les archives, et sur le bâtiment lui-même.

Marc Doré