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mardi 8 décembre 2009

À la découverte du patrimoine moderne du sud de la France

La présentation du voyage 2009 du DESS en architecture moderne et patrimoine a eu lieu le 3 novembre 2009. Elle rassemblaient plusieurs étudiants qui ont suivi l'activité organisée par l’École de design au cours de l'été 2009.

Cet événement a profité de la présence de Bernard Toulier, conservateur général du patrimoine à Paris, grand spécialiste du patrimoine du XXe siècle et qui fut un des professeurs en charge du cours.

Certaines des présentations étudiantes sont disponibles sur le blogue étudiants à la rubrique présentation du 3 novembre 2009.

Bonne lecture.


L'appropriation et la patrimonialisation

Pour une partie importante de la population, surtout ouvrière, il y avait en France, au tout début du XXe siècle, des conditions de vie quotidienne totalement insalubres: pas d'eau courante, pas d'eau chaude, pas d'égouts, et évidemment, pas de loisirs, pas de vie sociale organisée.

Ces contre ces conditions abjectes pour ceux et celles qui étaient contraints de les subir que des administrations municipales firent appel à des architectes pour proposer et mettre en chantier des projets qui apporteraient soleil, lumière et confort moderne aux populations ouvrières.

À Lyon, Villeurbanne, Givors, Firminy et Marseille notre groupe a pu visiter des projets issus de ce contexte, qui s’est étendu jusqu’aux années 1980.

Dans la premier quart du siècle, à la demande du maire de Lyon, l'architecte Tony Garnier conçut et lança la construction du Quartier des États-Unis, dans une zone de taudis de Lyon. Le milieu de vie qu’il imagina pour cette population pauvre fut reçu par elle comme un véritable cadeau et elle se l’appropria durablement.

Dans les années 1980, quand la Ville de Lyon envisagea de démolir les immeubles du Quartier, ce sont ses habitants, bien souvent les fils et les filles des premiers occupants, qui s’y opposèrent farouchement et qui forcèrent les autorités municipales à remettre les bâtiments aux normes tout en respectant le génie de l’architecte moderne.

L'appropriation des bâtiments du patrimoine moderne par les citoyens qui y vivent ou qui les fréquentent ne va pas nécessairement de soi, mais elle semble être une condition souvent présente quant à la réussite du processus de patrimonialisation. Ce fut la cas à Lyon, mais aussi dans les Unités d’habitation de Le Corbusier à Firminy et à Marseille, où les associations des résidents ont joué dès le début un rôle important dans la gestion de leurs bâtiments.

Évidemment, les intentions initiales du promoteur et de l'architecte doivent correspondre aux besoins de la clientèle visée Le Corbusier, par exemple, faisait de la participation des résidents à la gestion quotidienne de leur habitat collectif une condition importante du design des grands immeubles qu'il a construits. Dans ses Unités, les associations de résidents ont été mises sur pied dès le début, et elles continuent à exercer leur influence sur la gestion du bâtiment.

Ensuite, l'existence d'un groupe d'utilisateurs structuré semble importante. Parfois, quelques individus particulièrement sensibilisés aux qualités architecturales et urbanistiques d'un site en deviennent les défenseurs. Mais la pérennité de la promotion et de la défense de ces qualités tient surtout à l'existence d'un groupe suffisamment diversifié pour garder le cap malgré le passage du temps. À Firminy, les résidents ont mené une lutte de presque un quart de siècle contre l’Office municipal des HLM qui gérait leur bâtiment; ils ont finalement réussi à le sauver de la fermeture.

Mais tout édifice moderne n’emporte pas nécessairement l’adhésion de ses occupants: un bâtiment doit aussi correspondre aux besoins des utilisateurs. Un exemple pour illustrer ce point: le stade de Firminy. Cet équipement luxueux pour une si petite population n'a jamais réussi à se constituer une banque de fidèles utilisateurs, les équipes sportives locales préférant encore aujourd'hui utiliser les petits stades privés. Sous-utilisé, le stade Le Corbusier doit sans doute à sa participation dans l'ensemble du centre civique de Le Corbusier, et à sa relative transparence physique, d'avoir obtenu sa reconnaissance patrimoniale.

Autre facteur qui peut avoir son importance : la reconnaissance par les autorités locales, qui est une sorte de reconnaissance citoyenne médiatisée. Nous avons observé que c'est souvent à ce niveau que la lutte pour la patrimonialisation s’est faite. Le cas de Firminy est particulièrement éclairant : lancé par un maire visionnaire et entreprenant, l’ensemble moderne de Le Corbusier a dû, après la défaite électorale de Claudius-Petit, affronter une municipalité d’une autre couleur politique. Le centre culturel a été le lieu de querelles idéologiques et politiques incessantes et l’Unité d’habitation a vivoté presque jusqu’à la démolition. C’est l’association de ses habitants qui a mené et gagné le combat de sa préservation, puis de sa restauration. Maintenant, Firminy-Vert est complètement pris en charge par l’agglomération, ce qui n’est pas sans dangers d’une autre sorte.

Le rôle de plus en plus important joué par les communes et les agglomérations dans le domaine du patrimoine illustre que les défenseurs du patrimoine ont intérêt à investir le champ politique. À Firminy, ce n'est que lorsqu'une municipalité sympathique à la mise en valeur du site Le Corbusier a été mise en place que des progrès rapides ont été faits dans le sens de la reconnaissance patrimoniale du site.
La présence dans le paysage d'experts ou de super adeptes de l'architecte ou de son œuvre facilite la reconnaissance citoyenne, mais peut aussi produire un effet contraire. Exemple: l'église Saint-Pierre de Firminy. Cet élément patrimonial, virtuel pendant un quart de siècle, fut maintenu sous respirateur après la mort de l'architecte, par un groupe de fidèles de Le Corbusier qui comprenait aussi des architectes, des historiens de l'art, des universitaires, des politiques et d'anciens collaborateurs du maître. Quand les autres conditions eurent été réunies, cette expertise perçue comme menaçante pendant des années devint un atout majeur dans le projet de finalisation du bâtiment.

Enfin, il est fortement souhaitable que le site ait encore une activité fonctionnelle ou en ait trouvé une nouvelle. À ce propos, l'activité touristique semble être à la fois la terre promise et l'indispensable excuse pour «rentabiliser» économiquement et socialement un site qui autrement pourrait être menacé de démolition, malgré des qualités architecturales importantes. Il n'est pas inutile de rappeler que le tourisme est aussi une activité populaire et citoyenne.


Mais l’appropriation du moderne ne fait pas foi de tout : ainsi, l’affection soutenue des sportifs pour la station de ski de Flaine, conçue durant les années 1950 et construite au début des années 1960 pour recevoir les nouvelles foules du sport d’hiver de masse, n’a pas empêché un restaurateur zélé, mais ignorant, de peindre ces dernières années le béton brut de l’hôtel Le Flaine, icone de l’architecte Marcel Breuer.

Marc Doré

lundi 7 décembre 2009

Voyage d'études 2009 À la découverte du patrimoine moderne du sud de la France – Régions Rhônes- Alpes/ Provence-Côte d’Azur / Languedoc

Organisé par l’École de design de l’UQAM, dans le cadre du diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en architecture moderne et patrimoine, ce voyage d’études de 10 jours visait à faire découvrir certaines des réalisations les plus remarquables de l’architecture moderne du Sud de la France ainsi qu’à documenter des actions posées et des politiques menées afin d’assurer leur conservation. Ce voyage combinait des visites architecturales et des rencontres avec plusieurs intervenants travaillant de près ou de loin à la sauvegarde du patrimoine moderne. Pour de plus amples renseignements, on peut se référer aux rubriques "À lire" et "À découvrir".

Le voyage a été encadré par deux professeurs : Bernard Toulier, conservateur général du patrimoine, Direction de l'architecture et du patrimoine (DAPA), ministère de la Culture et de la Communication, Paris, et responsable du programme « Architectures de la villégiature » au centre André-Chastel (CNRS), auteur de Architecture et patrimoine du XXe siècle en France, Paris, 1999, directeur de publication de Mille monuments du XXe siècle en France, Paris, 1997;

France Vanlaethem, directrice du DESS en architecture moderne et patrimoine à l’École de design de l’UQAM, directrice scientifique de l’axe patrimoine moderne du Forum canadien de recherche publique sur le patrimoine, présidente de Docomomo Québec, coauteure de Art déco et modernisme en Belgique, Bruxelles, 1996; Art nouveau, art déco et modernisme en Belgique, Bruxelles, 2006; Sur les traces du Montréal moderne et du domaine de l’Estérel au Québec, Bruxelles/Montréal, 2007.

Les étudiants et étudiantes inscrits au DESS en architecture moderne et patrimoine de l’UQAM qui ont participé au voyage de 2009 sont : Soraya Bassil, Aude Buttiero, Amélie Dion, Marc Doré, François Hudon et Caroline Lépine. D’autres participants se sont joints à eux dont : Alexandra Georgescu Paquin, étudiante au doctorat international en Muséologie, Médiation, Patrimoine de l’UQAM et de l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse; Alessandra Mariani, doctorante en histoire de l’art à l’UQAM, Jessica Mace, étudiante en histoire de l'art à l’Université York, ainsi que Brigitte Gilbert, auditrice libre. Ils ont été accompagnés de Marie-Josée Therrien, professeure au College of Artand Design de Toronto et de Jean-Pierre Hardenne, professeur associé à l'École de design de l'UQAM.

Les visites architecturales et les rencontres seront assurées par divers intervenants, historiens, administrateurs et architectes professionnels engagés dans la sauvegarde du patrimoine moderne, de même que des représentants d’associations patrimoniales. Ces invités sont: Yves Belmont, conseiller pour l'architecture, DRAC Rhone-Alpes; Jean-Lucien Bonillo, maitre assistant, École d'architecture Marseille-Lumigny; Anne Dubromel, directrice, Région urbaine de Lyon; Sylvie Denante, chargée de mission patrimoine du XXe siècle et architecture, DRAC PACA, CRMH; Thierry Durousseau, architecte DPLG, historien; Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef et inspecteur général des Monuments Historiques; Jean-François Lyon-Caen, architecte DPLG, maitre-assistant, École d'architecture de Grenoble, équipe de recherche architecture paysage montagne; Yvan Mettaud, chargé de mission patrimoine Le Corbusier; Claude Prélorenzo, professeur, École d’architecture de Marseille; Gilles Ragot, professeur, École d'architecture de Bordeaux; Anne Tobé, Centre de Recherche et d'Etude sur l'Histoire d'Assy.

Si vous souhaitez en connaître davantage sur le contenu de notre voyage, lisez le document préparation au voyage.

Chacun des étudiants du DESS a bénéficié d’une bourse de mobilité accordée par la Faculté des arts et d’un financement accordé par le Forum canadien de recherche publique sur le patrimoine.

France Vanlaethem

lundi 18 mai 2009

En attendant la suite

Voilà, le voyage-cours est terminé!

Ce furent 12 jours intenses, chargés, avec des étudiants motivés, des professeurs impliqués quotidiennement tant dans l'organisation du voyage que dans le déroulement du cours, et des experts-invités dont les connaissances sur les divers sujets abordés furent d'une rare pertinence.

Pendant ces 12 jours, notre groupe de 14 personnes s'est déplacé dans deux fourgonnettes, avec beaucoup (trop! a dit France) de bagages, parcourant plus de 3000 km, sans se perdre (quand c'est arrivé, on a retrouvé le bon chemin...)

Le groupe s'est définitivement divisé le jeudi 12 mai; chacun a suivi sa route, sur Paris pour certains, vers l'Italie pour d'autres, our encore vers la Belgique, Montréal et Toronto.

Dans les prochaines semaines, les étudiants produiront des textes qui se rapportent à diverses facettes de ce voyage d'études du patrimoine moderne du Sud de la France.

Ces textes seront aussi publiés sur ce blogue. S'y ajouteront aussi des photos ainsi que des clips vidéo.

À bientôt!

Marc Doré


dimanche 17 mai 2009

La Grande Motte: le moderne joyeux


Née dans les années 1960 des rêves un peu fous de l'État gaullien qui a commandé en Camargue l'assèchement et le surhaussement de zones marécageuses en bord de mer, la ville balnéaire de La Grande Motte a été pensée et dessinée jusque dans les détails les plus infimes par l'architecte Jean Balladur, qui en fut d'abord l'urbaniste, mais aussi le promoteur. Ayant aujourd'hui presque complètement bâti le territoire dont elle avait hérité, cette ville située dans la grande agglomération de Montpellier a une population «normale» de 8000 habitants; mais en été, 100 000 personnes y vivent. Curieusement, cette architecture très «sixties» avec ses pyramides d'inspiration mexicaine, l'omniprésence du béton et ses plages de sable fabriquées et mécaniquement entretenues est un pari réussi. En son centre, la ville est parsemée de pyramides de 12 à 15 étages, suffisamment éloignées les unes des autres et à l'orientation variable pour qu'on ne sente jamais un écrasement qu'aurait pu susciter la forte densité et les matériaux dominants. Comme à Port-Grimaud, le port est plein de voiliers, mais ici, on n'a pas le sentiment de vivre dans un univers de carton-pâte. Pas de style néo-provençal, que du moderne soigneux, joyeux, lumineux; cette création des années 1960 est devenue une véritable ville. Mais Port-Grimaud a déjà obtenu son label Patrimoine du XXe siècle, tandis que les élus de La Grande Motte viennent à peine de prendre conscience qu'il y a un travail à faire pour protéger une utopie réalisée au caractère unique.

Marc Doré

L'autre grand moderne de Marseille


La vieille ville de Marseille a subi trois vagues de démolition durant la Deuxième guerre. D'entrée de jeu, elle a d'abord été bombardée par les Italiens en 1940; les occupants allemands, sur l'ordre direct d'Hitler mais en accord avec les autorités françaises de l'époque, ont ensuite pulvérisé tout un quartier du Vieux-Port traditionnellement habité par les Juifs et les Romanichels; enfin, les bombardiers américains ont fait des trous énormes dans le tissu urbain en ratant des objectifs stratégiques pour l'armée allemande. Ceci expliquant cela, Marseille a maintenant dans son vieux quartier historique qui remonte à 600 ans avant JC un important bâti moderne, construit entre 1945 et 1975 et qui fait maintenant l'objet de considérations patrimoniales. Bref, des conditions objectives qui ont amené la mise en place d'une immense opération de reconstruction qui dura une dizaine d'années, jusqu'au milieu des années 1950. À côté des barres de béton érigées dans la grande plaine marseillaise – la plus connue étant évidemment la Cité radieuse de Corbu – ce sont les bâtiments de Fernand Pouillon construits sur le port qui sont les plus représentatifs de ce qui a été bâti à l'époque. Pouillon, qui choisit la pierre plutôt que le béton pour construire, fut un immense et controversé architecte-urbaniste-promoteur-constructeur, surtout actif à Marseille et à Aix-en-Provence. Éventuellement, ses initiatives controversées le menèrent en prison et au retrait de sa licence d'architecte. Aujourd'hui, on juge ses réalisations comme ayant particulièrement bien passé l'épreuve du temps, au moment où la Cité de Le Corbusier doit impérativement passer par des réparations coûteuses.

Marc Doré

samedi 16 mai 2009

Dormir au Corbusier


Il y a des phrases banales qui cachent une réalité colossale. Prenez par exemple la phrase suivante: Dormir à la Cité radieuse. C'est un geste ordinaire, trivial. Et puis, on se laisse pénétrer par le sens des mots, et on est presque écrasé par leur épaisseur historique, et par la monumentalité qu'ils dévoilent. Oui, le nom de Le Corbusier agit; le plus grand architecte du XXe siècle, sans doute, a conçu cet étrange vaisseau de béton qui semble foncer vers l'horizon sur un océan de rocher. On imaginerait que tant de béton ne donnera en bout de ligne que de la lourdeur; il faut alors avoir passé du temps sur le toit de ce navire, presque couché au sol par le vent impétueux qui souffle de la mer, pour se croire sur la poupe d'un Titanic. C'est une expérience presque initiatique.

 

La Cité radieuse domine la plaine marseillaise depuis un demi-siècle. D'autres barres d'habitation se dressent autour d'elle, et des tours aussi, sagement alignées au pied des montagnes. Pas certain que cette accumulation, en un lieu restreint, de centaines de vies humaines soit «la» solution au problème du logement. Mais, nous a raconté notre guide à Marseille, l'architecte Thierry Durousseau, qui y a vécu son enfance, c'est une expérience de vie qui n'a rien de traumatisant et qui peut même être agréable. Après tout, cette barre est un véritable village, avec sa rue commerciale, un hôtel, une école maternelle.

Marc Doré